"Le surf est leur art, ce sont des artistes de leur sport."
Le
Film_
Date
Janvier 2020
Cinématographie / Edit
Olivier Sautet
Cinématographie sous-marine
Dave Fox
Photographie
Nick Green
Histoire
Surfeurs libres.
Dion, bob noir, lunettes noires (qu’il ne quitte que pour aller dans l’eau), pantalon ample tombant sur les chevilles, bagues à chaque doigt, tatouages minimalistes sur les bras. A ses côtés, Brendon, cheveux courts, peau blanche qui semble ne pas avoir vu le soleil depuis des mois, t-shirt ajusté, l’allure d’un premier de classe.
Nous sommes loin des stéréotypes du surfeur blond aux cheveux longs et à la peau tannée par le soleil. Ils font pourtant partie des meilleurs free-surfeur au monde et leur approche du surf les éloigne sûrement des clichés souvent inhérents à la pratique de ce sport.
Le petit monde du free-surf se retrouve très loin des obligations de résultat, de score, de record, et de la rigueur qui en découlent. C’est probablement ce qui leur laisse le temps de penser, de regarder, d’interpréter, de juger de quelle manière ils veulent surfer, créer, évoluer et ressentir ces émotions propres au surf. Ce sont des personnages atypiques hauts en couleurs, très influencés dans leur mode de vie par l’art. Leur approche est guidée par une quête de liberté et d’esthétisme qui les place aux antipodes de ce que l’on connait le plus du surf aujourd'hui : le wsl, la compétition, le score et le résultat avant tout.
Lire l'histoire
"Une addiction à la mer et aux vagues, un désir irrévocable de surfer."
Spots
-
Île Bruny
- Cloudy Bay - -
Secrets spots
- -
"Ce vent de liberté et de créativité nous ramène aux origines du surf et à l’esprit de ses pionniers."
"C’est la passion d’être à l’eau, non pas pour performer, mais pour s’évader."
“Devant l’objectif ils créent une image, une émotion. Ils figent un instant qu’ils perçoivent comme un tableau.”
Dia de curtição
TASMANIE : l'histoire
Free surfeurs
Dion, bob noir, lunettes noires (qu’il ne quitte que pour aller dans l’eau), pantalon ample tombant sur les chevilles, bagues à chaque doigt, tatouages minimalistes sur les bras. A ses côtés, Brendon, cheveux courts, peau blanche qui semble ne pas avoir vu le soleil depuis des mois, t-shirt ajusté, l’allure d’un premier de classe.
Nous sommes loin des stéréotypes du surfeur blond aux cheveux longs et à la peau tannée par le soleil. Ils font pourtant partie des meilleurs free-surfeur au monde et leur approche du surf les éloigne sûrement des clichés souvent inhérents à la pratique de ce sport.
Le petit monde du free-surf se retrouve très loin des obligations de résultat, de score, de record, et de la rigueur qui en découlent. C’est probablement ce qui leur laisse le temps de penser, de regarder, d’interpréter, de juger de quelle manière ils veulent surfer, créer, évoluer et ressentir ces émotions propres au surf. Ce sont des personnages atypiques hauts en couleurs, très influencés dans leur mode de vie par l’art. Leur approche est guidée par une quête de liberté et d’esthétisme qui les place aux antipodes de ce que l’on connait le plus du surf aujourd'hui : le wsl, la compétition, le score et le résultat avant tout.
"Ils font pourtant partie des meilleurs free-surfeur au monde."
A l’heure où le sport est en passe de devenir olympique et de s’éloigner inexorablement de l’âme des premières heures, ce vent de liberté et de créativité nous ramène aux origines du surf et à l’esprit de ses pionniers. C’est la passion d’être à l’eau, non pas pour performer, mais pour s’évader.
L'équipe
Les deux free-surfeurs viennent me récupérer à l’aéroport accompagnés de Dave Fox, brillant cameraman aquatique et guru des swells. Nous embarquons à bord d’un petit pick-up noir plein à craquer, direction le sud. Dion m’explique, non sans malice, que nous allons rejoindre Nick Green le photographe. Nous pourrons décharger la voiture et libérer de l’espace pour retrouver un semblant de confort. Nick se trouvait à seulement 4h de voiture…!
Nous traversons des paysages désertiques et arides, d’herbes desséchées, bordés d’eucalyptus. Au fil des conversations je comprends que je n’aurais pas de douche aujourd’hui, ni demain, ni la semaine qui vient … après 48h d’avion, ça n’aurait pas été du luxe !
Le stop au supermarché local me fait aussi appréhender la teneur du trip qui m’attend. Les achats sont rudimentaires : légumes et feuilles d’aluminium, packs de bière pour assaisonner le tout. J’achète quand même un rouleau de papier toilette, au cas où !
"Nous voici parés pour la semaine qui arrive..."
Nous retrouvons enfin Nick dans le sud de l’île. Bottes de cuir, jean et chemise noire déchirée, barbe et cheveux longs. Il nous attend, tranquillement en train de siroter une bière et de lire les chroniques de Bob Dylan sous un arbre, face à la mer : personnage sorti tout droit d’un livre de Kerouac.
L'art du surf
Les présentations faites, un de leur collègue surfeur nous fait savoir que la houle commence à rentrer, sur une plage au sud de la baie. A peine la conversation finie, la camera de Dave est déjà dans le caisson et Dion roule au travers des forêts d’eucalyptus, Marc Ribot plein volume.
Arrivés à la plage, les mousses sont à peine perceptibles ! Mon engouement s’effondre, mais apparemment pas celui de Dion et Brendon, qui, excités par des vagues qui cassent à peine, courent pour se mettre à l’eau.
Trois jours avec le même type de vague et toujours la même envie. C’est sûrement ce que l’on appelle, plus communément, la passion. Chacun d’entre eux s’émerveille de la moindre houle et montre une motivation incroyable quand il s’agit de créer des images.
Ils perçoivent cette partie de leur sport comme un art. Une fois que la caméra tourne, ils deviennent en quelque sorte des artistes, exécutant une performance artistique. Ils m’expliquent que surfer seul ou avec un caméraman est pour eux une expérience radicalement différente en termes de ressenti; devant l’objectif ils créent une image, une émotion. Ils figent un instant qu’ils perçoivent comme un tableau.
La vision de leur pratique du surf m’enchante.
"Voir des surfeurs se mettre dans la peau d’un artiste, au lieu de se retrouver dans la position d’un athlète a une forme de poésie et d’élégance."
On entend souvent dire que le surf est un art de vivre. Je crois qu’on est en plein dedans.
Troisième nuit : les rituels sont maintenant bien en place. Nous trouvons un endroit sous les eucalyptus, nous déroulons nos « swagg» (sorte de tentes avec matelas incorporés) et Dion, hyperactif, part à la recherche du petit bois pour initier le feu. Brendon, fin gourmet, prépare les légumes à envelopper dans les feuilles d’aluminium. Une fois la braise prête, nous envoyons les plats.
"Les conversations autour du feu tournent autour de vagues, de houles, de tubes et d’airs."
Au fur et à mesure que le niveau des bouteilles baisse, la conversation se fait philosophique. Ils m’expliquent alors que le surf leur permet d’opérer une rupture complète avec le monde réel. C’est une manière pour eux de se détacher de toutes les pensées superflues inhérentes au monde d’aujourd’hui, où il faut être toujours plus rapide, connecté. L’oisiveté, dans un sport d’expression, de sensations et de créativité est un atout non négligeable.
Le lendemain, nous assistons à un magnifique lever de soleil depuis nos tentes. Nous nous réveillons doucement et le beach-break au fond de la baie parait montrer tout son potentiel, le bruit sourd des vagues cassant sur le rivage nous parait être un bon présage…
L’accès au spot se fait par une descente abrupte à travers une forêt de fougères et d’eucalyptus. Nous devinons, entre les arbres, la baie encadrée de majestueuses falaises escarpées : difficile de détourner le regard de ce spectacle.
À peine arrivés sur la plage bordée de galets, je n’ai pas le temps d’enfiler le haut de ma combinaison que Dion est déjà à l’eau et envoie des sauts droits sur une vague tonitruante ! Brendon le suit et sort des tubes en droite.
La beauté du spot est éblouissante avec ses falaises couvertes d’eucalyptus, ses vagues, petites mais rapides, puissantes et creuses. La matinée s’enchaine entre turns, airs et tubes. La vague est difficile à lire mais, elle offre de belles rampes.
Il est temps de remonter pour la collation du midi : boîte de thon, tomate, et avocats étalés sur des galettes de riz, le tout saupoudré de poussière de bâche de pick-up ! Naïf je leur demande, « Mais vous êtes toujours comme ça, à l’arrache, sur tous vos trips ? ». Réponse sans détour « Sometimes we have an hotel room to charge the batteries ! ».
L’esprit du free-surf j’imagine, ce qui n’est pas pour me déplaire.
Bienvenue à la maison
Les swells de sud s’estompent. Nous décidons de remonter la côte Est jusqu’au Nord vers l’endroit où habite Dion. Après une journée de voiture, nous apercevons la mer. Belle étendue d’eau plate ! Et turquoise pour rajouter au charme !
Nous nous enfonçons dans la brousse. Après plusieurs kilomètres, le paysage s’éclaircit et une clairière nous permet de deviner une maison entièrement peinte de noir surplombant une rivière bordée d’eucalyptus.
Nous entrons dans la maison, il n’y a pas de clef, ni serrure. Le décor y est étonnant. Meubles, fauteuils et canapés de designer, tableaux, plantes vertes et divers objets d’art. Des bouquins de Magritte, Miro, ou Jean michel Basquiat recouvrent la table du salon. Dans un coin, un piano blanc. Dion s’installe avec son verre de vin rouge sur sa terrasse et feuillette un livre d’architecture. Brendon règle la hauteur de la chaise du piano et se met à jouer du Erik Satie. Plus trivial, je me dirige directement à la douche ! Enfin !
Les jours suivants, ils surferont le long de cette côte nord-est. Nous y trouvons quelques fabuleux beach-breaks, mais surtout des slabs qui paraissent indomptables. Malgré tout, Dion et Brendon réussissent à sortir quelques tubes et à nous gratifier de fabuleux straight airs !
"C’est une obsession, une fantaisie toujours quelque part cachée en eux, qu’ils soient proches ou loin de l’océan."
Cette deuxième partie du trip est plus confortable. Nous nous retrouvons après chaque session dans la maison de Dion. Nous écoutons du jazz, nous regardons les images de la journée et nous profitons du cadre relaxant de ce petit havre de paix.
La maison de Dion reflète son état d’esprit. Dynamique, inventif et éloquent. Il extériorise son surplus d’énergie dans la création autant pour sa marque de lunettes que dans la réalisation de tableaux ou de diverses pièces d’art. Son surf est à son image, très instinctif.
Brendon quant à lui s’émancipe au travers de la musique en pratiquant la guitare et le piano. C’est une personne très curieuse, en questionnement constant, qui remet en doute tout ce qu’il fait. Il possède une culture cinématographique impressionnante et relit beaucoup de discussions du quotidien à des scènes de films. Il imite à la perfection des personnages de Tarantino ce qui nous a valu plusieurs fous rires !
Ils surferont jusqu'à la dernière minute. Infatigables, passionnés et rêveurs. Notre vol retour était prévu en début d’après-midi, mais la session de la matinée ne fut pas sacrifiée. Nous embarquons les bagages un peu trop lourds à cause des combinaisons mouillées du matin.
Une addiction à la mer et aux vagues, un désir irrévocable de surfer. C’est une obsession, une fantaisie toujours quelque part cachée en eux, qu’ils soient proches ou loin de l’océan. On pourrait aisément penser que cela s’apparente à une drogue.
Paul Gauguin, ne pouvait se lever le matin sans penser à peindre. Il disait que la peinture permettait à son âme de se libérer de ce qui l’oppresse dans la vie. Une sorte d’exutoire nécessaire pour apprécier les choses. Le surf, c’est leur peinture à eux.
Le surf est leur art, ce sont des artistes de leur sport.
Olivier Sautet