"Vivre une belle aventure entre amis dans le froid en vaut la peine."
Le
Film_
Date
Juillet 2019
Cinématographie
Olivier Sautet
Cinématographie aérienne
Olivier Sautet
Photographie
Matt Georges
Robin Christol
Histoire
4 ans.
C’est le temps qu’il a fallu pour rassembler et coordonner les quatre choses essentielles à un photoshoot au Kamchatka : La meilleure équipe locale, quatre riders de classe mondiale, la logistique (VISAs, autorisations, billets, bateau, tentes, véhicules…), deux photographes et un cameraman à toutes épreuves.
Après toutes ces années j’avais ce mauvais sentiment que j’en attendais trop, que je ne pouvais qu’être déçu. Ce même feeling qu’avant une soirée de nouvel an pleine de fausses promesses. C’est donc avec beaucoup de passion mais la peur au ventre que j’aborde ce trip au fin fond de la Russie.
Situé à l’extrême Est de la Russie, le Kamchatka est une immense péninsule volcanique de 270.000km². Elle a été classée zone militaire « ultra-secrète » à la fin de la seconde guerre mondiale, la péninsule a donc été fermée à tout visiteur jusque dans les années 90. Cela a préservé l’authenticité du lieu et la nature y est restée quasi-intacte. Il faut des autorisations spéciales pour s’éloigner de la capitale et il y a peu/pas d’infrastructures pour se déplacer.
La côte Pacifique reçoit swell et vents, et c’est par là que nous allons traîner.
(Un tel voyage a un impact sur notre planète. Nous avons donc pris des mesures pour réduire les émissions de carbone au niveau mondial, compensant ainsi 100 tonnes d'émissions de carbone. En savoir plus sur goldstandard.org)
Lire l'histoire"Parce que chaque moment passé dans l'eau devrait être magique."
Musique
-
Les choeurs de l'armée rouge
- Kalinka - Bruit des vagues - -
The palms
- Push off - -
The palms
- War - -
Emerson lake and the palmer
- From the beginning -
"Notre guide local n'était pas un vieux loup de mer barbu et tatoué mais une petite brune, la trentaine : Kristina."
Partners
"L’équipe n’est pas seulement choisie pour ses performances sur l’eau, ce sont des personnes humbles, polies et surtout passionnées par l’aventure."
“Vivre une belle aventure entre amis dans le froid en vaut la peine.”
Dia de curtição
KAMCHATKA : l'histoire
Intro
4 ans.
C’est le temps qu’il a fallu pour rassembler et coordonner les quatre choses essentielles à un photoshoot au Kamchatka : La meilleure équipe locale, quatre riders de classe mondiale, la logistique (VISAs, autorisations, billets, bateau, tentes, véhicules…), deux photographes et un cameraman à toutes épreuves.
Après toutes ces années j’avais ce mauvais sentiment que j’en attendais trop, que je ne pouvais qu’être déçu. Ce même feeling qu’avant une soirée de nouvel an pleine de fausses promesses. C’est donc avec beaucoup de passion mais la peur au ventre que j’aborde ce trip au fin fond de la Russie.
"Situé à l’extrême Est de la Russie, le Kamchatka est une immense péninsule volcanique de 270.000km²."
"Elle a été classée zone militaire « ultra-secrète » à la fin de la seconde guerre mondiale;"
La péninsule a donc été fermée à tout visiteur jusque dans les années 90. Cela a préservé l’authenticité du lieu et la nature y est restée quasi-intacte. Il faut des autorisations spéciales pour s’éloigner de la capitale et il y a peu/pas d’infrastructures pour se déplacer.
La côte Pacifique reçoit swell et vents, et c’est par là que nous allons traîner.
L'équipe
Mallo est le vétéran, après une carrière de rider bien remplie, il est maintenant chef juge sur le tour mondial de freestyle. Il est là pour la vague, qu’il déchire avec la maitrise d’un surfeur expérimenté.
Paul est un pur freestyler, après avoir passé 5 ans sur le tour, c’est un des riders les plus expérimentés. Je compte sur lui pour envoyer en big air/kiteloops si le vent est fort.
Camille fait partie des 5 meilleurs mondiaux en strapless, il a participé à tous les trips MANERA et chaque année son bagage de tricks évolue. Je sais qu’avec 20 nœuds il peut tout rentrer.
Max, le jeune prodige du freestyle. Au moment où j’écris il est classé 1er mondial après une belle performance à Fuerteventura. A seulement 19 ans il fait preuve d’une grande maturité et d’une belle passion pour le sport.
L’équipe n’est pas seulement choisie pour ses performances sur l’eau, ce sont des personnes humbles, polies et surtout passionnées par l’aventure. Ils touchent tous à toutes les disciplines du kite et sont heureux d’aller dans l’eau quelles que soient les conditions.
Carnet de route
Après 8h de vol depuis Moscou nous nous posons à Petropavlovsk-Kamtchatski, la capitale du Kamchatka. Nous traversons la ville pour rejoindre l’Omega, un navire militaire Japonais reconverti en navire d’expédition.
Le contraste entre la ville et la nature est frappant, les bâtiments sont cubiques, avec peu d’ouvertures et très souvent en mauvais état. Un style soviétique froid et efficace. La nature elle est vaste, nous sommes dans une immense plaine encerclée de volcan enneigés. C’est très vert, on sent qu’il pleut beaucoup. Ce contraste donne une dimension apocalyptique à la ville, ce qui rend le tout charmant. Nous traversons un port militaire ou de vieux navires de guerre rouillés s’entassent, puis nous arrivons finalement sur notre embarcation.
L’équipage nous attend et nous rencontrons notre guide local. On aurait pu s’attendre à un vieux loup de mer barbu et tatoué mais non, notre guide est une petite brune, la trentaine : Kristina. Ne vous y méprenez pas ! Elle est née dans les iles Kouriles, elle dirige une équipe de 6 marins, elle sait piloter à peu près n’importe quel engin motorisé, est VIP dans le meilleur club de la ville, ah et elle fabrique sa propre vodka… !
Elle dirige l’agence Peleken, qui a été cruciale pour le bon déroulement du trip.
L'Omega
Nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre quant à ce navire, surtout en ayant vu l’état des autres navires du port… Nous avons eu une sacré surprise en arrivant face à un beau bâtiment de 30m équipé de 2 zodiacs, 6 cabines et d’un sauna… Après avoir chargé les boardbags et choisi stratégiquement nos cabines pour éviter le plus gros ronfleur (dont je ne citerai pas le nom), nous prenons enfin la mer.
Le premier repas est un festin de saumon, c’est l’occasion de se poser et de regarder les prévisions avant de couper tout contact avec la civilisation. Le tableau Windguru affiche une couleur blanche à bleu clair : Moins de 10 nœuds tous les jours… Ca s’annonce difficile, nous cherchons sur la carte la moindre baie qui pourrait accueillir un effet venturi (accélération du vent), sans succès. Nous en profitons pour monter les surfs foils et passer du temps à l’eau. Les vagues sont étrangement dociles même si le swell a une période longue, le take-off est tranquille et la houle reforme longtemps. Il y a toujours un volcan qui traîne derrière le spot, on se croirait dans un autre monde. Pour la dernière session, nous nous mettons à l’eau tout au bout d’un cap sur une sorte de mini-slab en pleine mer, nous ne sommes pas super rassurés lorsque tout un pan de la falaise s’écroule avec fracas juste derrière nous… En sortant de l’eau, nous naviguons 5min en bateau et nous croisons un banc d’orques tout prêt de là où nous avons surfé.
"Cette côte a définitivement quelque chose de brutal, de rude."
Malgré tous nos efforts pour trouver du vent, nous passerons 4 jours sans gonfler le moindre kite… Jusqu’à ce qu’un grain passe par la : Nous étions en train de filmer Maxime en ski dans un fjord quand nous voyons des nuages arriver avec 20-25 nœuds. Nous nous jetons dans les zodiacs et gréons le matos au plus vite, sachant que ce genre de conditions durent généralement 20-30min. Nous fonçons avec l’équipe de tournage vers la plage et Max et Paul galèrent à venir car le vent n’est pas encore bien établi, les kites vacillent, tombent… Mais le vent rentre finalement et nous commençons à filmer quelques images. Le zodiac repart sur l’Omega et nous restons seuls sur la cote :
« Quelqu’un a pris une protection anti-ours ? ».
« Non… ».
Les gars filment et shootent des photos pendant que je surveille la plaine derrière, afin d’éviter toute mauvaise surprise… Effectivement le Kamchatka a une population d’ours brun très dense, et les locaux s’en méfient, nous surveillons donc toujours nos arrières.
Nous ne shooterons que 20min, mais nous sommes heureux, ça nous permet d’assurer quelques images d’actions.
"C’est toujours très excitant de partir à l’aventure sur des terres inconnues"
Mais cela implique que les conditions de vent et vagues sont tout aussi inconnues, et il est donc très difficile de scorer. Chaque petite session est donc une réussite en soit.
Le lendemain nous nous arrêtons pécher dans un lac, lorsque deux hommes arrivent vers nous par surprise… Ils ont un visage dur, froid et abimé, l’un porte une machette et l’autre un fusil. Ils déposent leurs armes en arrivant vers nous et nous expliquent : Ce sont des braconniers, leur bateau est tombé en panne et ils sont coincés la depuis trois jours… Nous prenons la décision de les aider, tout en leur retirant leurs armes avec précaution. Nous les déposerons finalement à quelques heures de là dans un camp de braconniers, ils ont l’air de se connaitre et se donnent de grandes accolades. Nous les avons probablement sauvés, mais pour être franc ce n’était pas une rencontre rassurante.
C’est la fin du bateau et nous rentrons au port à Petro, ce fut 5 jours incroyables mais nous manquons d’images d’action et Windguru n’annonce toujours rien de bon, le stress monte. Nous entendons un local parler d’un volcan éteint qui abrite un lac éphémère dans son cratère… C’est une banquise tout l’hiver, mais elle fond trois à quatre semaines en Juillet et disparait finalement en Aout. Apparemment le timing est bon, nous décidons de tenter notre chance et nous louons un véhicule militaire 6x6 sans trop savoir dans quoi nous nous lançons.
Nous avons une nuit en ville avant de partir et notre guide nous propose d’aller visiter la ville et de boire un coup, après quelques shots de sa vodka maison nous partons directement en club, que nous quitterons à la hâte suivis par une bande de Russes énervés et de leurs copines, apparemment tombées amoureuses des riders.
La pyramide de feu
Le lendemain nous chargeons le véhicule soviétique et partons pour 6h de piste bien accidentée, nous remuons dans tous les sens et ça n’arrange clairement pas notre gueule de bois… Après avoir roulé un moment sur la neige, nous arrivons au-dessus du cratère : Première bonne surprise, il y a de l’eau, la banquise a bien fondu ! Deuxième bonne surprise : Il y a 15 nœuds bien établis !
Paul et Max récupèrent le matos et filent à l’eau en carvant sur la longue pente enneigée jusqu’à l’eau, quant à l’équipe de tournage, elle glisse comme elle peut jusqu’en bas. Le soleil est bas et la lumière est parfaite, les gars enchainent leurs tricks avec facilité, le spot est tout glassy car le clapot est coupé par la banquise. Ils prennent de la vitesse sur la pente enneigée pour lancer leurs plus gros tricks, ils slident sur les icebergs, la scène est irréelle… L’ambiance est à la fête le soir, il est encore trop tôt pour reboire une bière, mais nous partageons un bon repas autour du feu et c’est le bonheur.
Les nuits sur le bateau étaient très confortables, mais en rentrant dans les tentes ce soir-là, c’est tout autre chose : L’humidité a tout trempé, le vent souffle encore et la tente trempée flape sur nos visages. Il fait froid, très froid. En m’endormant finalement j’entends une musique lancée à fond à quelques mètres de la tente : Une grosse dubstep. Nous sommes les seuls humains à des kilomètres à la ronde et c’est forcément l’un de nous, je me dis que c’est une erreur et qu’il va éteindre, mais la musique restera toute la nuit, toujours aussi forte…
Le lendemain nous apprenons que l’endroit est très fréquenté par les ours et qu’ils se mettent en recherche de nourriture la nuit, la musique les démotive à s’approcher (cette dubstep m’aurait aussi fait fuir personnellement). Nous avons donc passé une sale nuit mais au moins aucun ours n’est venu fouiner dans le coin. Nous trouvons par contre de grosses empreintes fraiches en contrebas là où nous avons filmé la veille…
Le lendemain le vent est toujours là, il est très régulier, une sorte de thermique créée par la différence entre l’eau à 2C° et l’air qui peut atteindre les 15C° dans la journée. D’habitude les riders ont beaucoup de mal à rentrer leurs tricks pendant nos shootings, le froid engourdit le corps, les conditions sont souvent capricieuses, et la cagoule, les gants et les chaussons n’aident pas à aller attraper la barre... Mais là ils rentrent tout, on se croirait au Brésil (avec 25C° de moins).
Nous profitons au mieux des conditions en shootant depuis la berge, en drone, et depuis l’eau. Les riders tiennent 2 à 3h dans l’eau sans problème mais les photographes et le cameraman sont plus statiques et tiennent moins d’une heure avant de frôler l’hypothermie. Il faut bien choisir son moment ! Pendant que les freestyleurs shootent, Mallo et Camille s’amusent à jouer avec les icebergs, glissent/volent le long de la pente, coupent la banquise avec leur foil… Le terrain de jeu offre un beau potentiel de bêtises !
En rentrant le soir nous recevons la visite d’un renard pas timide, il vient nous piquer du saumon. C’est l’anniversaire de Mallo et nous voilà obligés de reboire… Nous n’avons pas d’alcool mais les drivers nous proposent un breuvage rose contenu dans des bouteilles plastique qu’ils appellent « spirit ». Pas le choix, on la tente malgré les réticences de notre guide.
Nous refaisons donc les 6h de piste en sens inverse dans un état similaire à celui de l’aller…
Sable noir
Nous voilà de retour à Petro, nous retrouvons une connexion internet et nous devons décider d’un plan pour les 5 jours restants. Windguru n’annonce toujours rien de très bon mais le temps est beau, chaud (aux alentours des 20 degrés dans l’après-midi), nous parions donc sur un thermique. Nous nous dirigeons vers la cote la plus exposée, une immense plage de sable volcanique au nord de la ville. Pas le temps de se poser, nous enchainons du véhicule militaire aux 4x4 pour tracer la route.
La plage est immense, elle est surplombée de trois volcans dont un en activité. Une rivière passe juste à côté du camp, parfait pour la pêche et la cuisine. La prairie derrière la plage est très accidentée avec de gros cratères, un local nous explique qu’ils ont étés créés lors de la dernière éruption explosive du volcan. En attendant, ce sont de supers coins pour faire ses besoins à l’abri de tout regard.
A peine le temps de monter le camp, le thermique se lève, un beau 15 nœuds side-on avec un petit swell assez fun. C’est l’heure de se mettre à l’eau pour Mallo et Camille, je sais qu’ils brulent de faire leur boulot depuis le début du trip, c’était dur de regarder les freestyleurs se gaver sur du flat alors que nous avions déjà passé 10 jours sans pouvoir filmer de vagues/strapless.
"Les gars enchainent les rollers face aux volcans jusqu’à la nuit, ils sont accompagnés de quelques phoques qui regardent curieusement leurs nouveaux compagnons néoprenés."
Nous allumons un beau feu de joie pour les réchauffer et nous ne remarquerons que le sol sous nos tentes est très accidenté que trop tard, encore une bonne nuit en perspective !
Trop difficile de dormir, nous nous levons à 5h pour aller surf-foiler, les vagues sont glassy, le vent est off-shore, le soleil se lève. Nous trouvons de nouvelles traces d’ours sur la plage, celui-là est plus petit. Nous avons cherché les ours tout le long du voyage, sans succès, c’est assez frustrant de se trouver sur la terre des ours sans en voir un seul. Cela dit grâce aux traces, on sait qu’eux nous ont probablement vus.
Nous passons trois jours à surfer le matin et kiter l’après-midi, mais un des gars arrive à capter du réseau et un coup de Nord-Ouest assez fort est annoncé dans une baie au sud… Notre guide accepte de reprendre le bateau et nous mettons tout en branle pour rejoindre le port au plus vite. Il nous manque un 4x4 et nous louons une dépanneuse pour ramener tout le matériel, elle s’embourbe 7 fois sur la route et nous avons dû pousser et rebrousser chemin autant de fois… Mais nous arrivons finalement juste à temps sur le bateau et dans la baie, le temps de gréer une aile le vent monte à 25 nœuds. Nous sommes en pleine mer à la sortie de la baie, le spot est assez hostile mais Camille et Mallo sont chauds, il ne reste qu’à décoller. Le départ du bateau est délicat car ça bouge beaucoup;
"Nous avons tenté plusieurs techniques, l’aile d’abord, le rider d’abord…"
Cette dernière semble la plus efficace même s’il est dur de se jeter à « froid » du pont jusque dans l’eau glacée.
Le temps pour moi d’aller me changer et en passant dans le salon je vois Camille poser un gros front au travers de l’un des hublots… Ca y est c’est parti, les gars posent tous leurs tricks alors que Paul fait du hang-time au-dessus du volcan. Camille enchaine les doubles, les backs, kiteloops… Mais lorsqu’il commence à faire des board-off nous entendons gueuler:
« Ohhhhh putain tu fous quoi la !!?».
C’était Olivier le cameraman qui lui rappelait « gentiment » la règle : board-off interdits en strapless. Ils se marrent et Camille reprend d’autres tricks.
Outro
Nous naviguons vers Petropavlovsk pour passer notre dernière nuit en Russie, et je me remémore ces deux dernières semaines, alors, est-ce que j’en attendais trop ?
Définitivement non. La Russie nous a gâtés avec de très beaux paysages, des rencontres, du vent, des vagues et certes un peu trop de vodka. Islande, Canada, Ecosse, Russie, chaque trip me conforte dans l’idée que nos sports sont bien plus que des sports d’été et que braver le froid est quelque chose d’unique, de nécessaire même pour certains.
Vivre une belle aventure entre potes dans le froid se mérite, par des heures de mauvais sommeil, des doigts congelés, un inconfort certain et par tous les efforts pour être au bon endroit au bon moment.
Nous le faisons pour inspirer les gens à sortir de chez eux, enfiler une combinaison et aller profiter de l’océan quelles que soient les conditions. Parce que chaque moment passé dans l’eau devrait être magique.
Stay salty.
Julien Salles