"Quand il fait froid, on rêve de chaud. Mais j’adore le concept d’un hiver infini."
Le
Film_
Date
Juin 2022
Réalisation
Nate Laverty
Photographie
Marcus Paladino
Histoire
BACÁN
/baˈkan/
Adjectif. L'un des mots les plus populaires de l'argot chilien. Une expression très courante pour dire que quelque chose ou quelqu'un est cool, brillant ou génial.
Traversant des forêts majestueuses et des étendues de sable noir, nos deux surfeurs emblématiques en eau froide, Pete Devries et Ian Fontaine, partent à la recherche des plus grandes vagues dans les paysages vierges du Chili.
Lire l'histoire"Ici, tout prend une autre dimension. Nous nous perdons dans des forêts et sur des chemins de terre. La côte est encore bien préservée, donc les accès sont parfois difficiles. Clairement, une bonne session se mérite."
Musiques
-
UNE BANDE-SON ORIGINALE PAR
- Kieran Campbell, Jasper Smythe, Max Fowler - -
MIXAGE SONORE ET TECHNIQUE MUSICALE
- Max Fowler - -
MUSIQUE DU GÉNÉRIQUE DE FIN
- "Orson and Daisy" Performed Par Kieran Campbell -
"Nous avons baptisé mon spot favori du trip le « Jesus Light Wedge ». C’est un wedge entre deux rochers qui forme une droite bien pêchue ; super fun avec de quoi pousser fort dans la paroi ou décoller dans le shore break."
"Durant les derniers jours, nous apercevons quelques pics tubulaires au détour d’une baie. Nous nous rapprochons, et par chance nous tombons sur un beach break de type landais, avec des tubes droites-gauches et entièrement offshore."
“Il est certain que je reviendrai dans cette région car j’en suis vraiment tombé sous le charme !”
Galice
BACÁN : L'histoire
Introduction
Ian : Tout a commencé lorsque MANERA m'a demandé de participer à une aventure un peu spéciale avec Pete et son équipe. Au début, je n'arrivais pas à y croire. Moi, le petit Breton qui aime l'hiver parce qu'il peut se cacher dans ses spots secrets, j'allais rencontrer le G.O.A.T (Greatest of All Times) du surf en eau froide et passer 10 jours avec lui lors d'un trip en Amérique du Sud. J’étais comme un gosse à l’idée d’y participer !
La préparation est assez simple : bonnets, manteaux, chaussons, cagoule, gants... Tout rentre facilement dans la valise, sauf peut-être ma 6.4mm ! C’est la première fois de ma vie que je possède une 6.4mm cagoule intégrée, et surtout que je quitte le soleil Finistérien en juin pour aller chercher le froid dans l’autre hémisphère. C’est une sensation plutôt étrange car normalement, c’est l’inverse. Quand il fait froid, on rêve de chaud. Mais j’adore le concept d’un hiver infini.
Pete : En fait, je suis déjà allé deux fois dans cette région du Chili. Cela me rappelle chez moi, à Tofino. Le paysage, le climat... C'est juste un endroit magnifique que j’affectionne particulièrement. Mais ce voyage était complètement différent de tous les autres. Je m’y suis toujours rendu à des périodes similaires de l'année, généralement en hiver, donc on peut s'attendre à beaucoup de houle. Cette fois, nous étions en quelque sorte entre deux houles, ce qui nous a néanmoins permis de surfer un tas de vagues différentes et de découvrir des zones que je n'avais jamais surfées auparavant.
Le voyage et ses désagréments
Ian : Après une nuit dans l’avion, je profite d’un réveil assez mystique au-dessus de la cordillère des Andes plongée dans les nuages au lever du soleil. J’atterris et retrouve toute l’équipe à l’aéroport : Marcus Paladino le photographe, Nate Laverty le caméraman, et Pete la légende. Tous mes bagages ont suivi et mes planches intactes ; tout va bien. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour Pete…
Pete : C'est plutôt comique parce que notre itinéraire initial nous faisait passer par Mexico, mais Nate a eu une très mauvaise expérience en ayant une escale là-bas par le passé. Nous avons donc choisi un autre itinéraire via Toronto. Environ une semaine avant notre départ, il y avait beaucoup de reportages sur tous les soucis à l'aéroport de Toronto liés au manque de personnel. Nous nous doutions déjà que le boardbag n’irait pas avec nous jusqu’au Chili parce que, soyons honnêtes, personne ne veut s'occuper de ce genre de bagage surdimensionné. C'est exactement ce qu’il s'est passé, et mon boardbag est resté coincé à Toronto...
Ian : Malheureusement, nous devions rapidement prendre la route, mais nous nous sommes dit qu’il arriverait sûrement quelques jours plus tard…
Pete : Ça n'a pas été le cas ! Je n'ai parlé à personne d’Air Canada pendant toute la durée de mon séjour au Chili. Les seules que j’ai pu contacter étaient celles des bagages à l'aéroport de Santiago, mais seulement par SMS et pour me dire qu’ils n’avaient aucune information... Et ça pendant deux semaines !
Heureusement, Ian m'a prêté ses planches pendant le trip pour que je puisse surfer. Elles sont un peu plus grandes que les miennes, environ quatre litres de plus, car je suis plutôt léger et petit. C'est une différence assez conséquente. Heureusement, les vagues étaient puissantes et nous avons eu pas mal de tubes, ce qui m’a aidé.
Une nouvelle amitié
Ian : Pete est vraiment une légende. Il est de la même génération que Parko [Joel Parkinson], et il a réussi une carrière de surfeur pro en venant d’un lieu pas très glamour et où il fait toujours froid. Il en a fait sa force et s’est différencié avec ça. C’est un personnage super inspirant pour moi. Étant de Bretagne et y vivant, je peux vraiment retranscrire ce qu’il vit à mon échelle française et européenne. J’essaye d’emmagasiner le plus d’informations et d’apprendre de son surf.
Pete : J'étais assez intrigué de rencontrer Ian. Je ne le connaissais pas du tout, et il venait d'un autre pays et d'une autre culture. Il est super cool, ouvert d’esprit, et tout aussi enthousiaste par le surf que moi. Il était juste impatient d’aller à l’eau, et il s'est bien entendu avec tout le monde. Honnêtement, c'était génial de surfer et de passer du temps avec lui.
Ian : Nous avons bien rigolé avec les Canadiens. Je ressens un peu la même chose qu’avec mes homologues bretons. En évoluant un peu loin du star-système, nous nous prenons un peu moins au sérieux et déconnons facilement, ça fait plaisir.
(Re)Découverte du Chili
Ian : Les paysages sont éblouissants. Nous sommes très proches de la Patagonie, et ça se ressent. Il y a du vert partout, et les baies et les plages sont magnifiques. Il fait froid, mais je me sens bien. On dirait un mélange entre le Canada et le Mexique. C’est assez drôle, mais c’est l’idée que je me fais au premier abord, surtout avec ce sable noir et ces grandes forêts de pins et d’eucalyptus.
Je suis rapidement époustouflé par la côte. Moi qui aime les grands espaces et les paysages qui ont de la gueule et du caractère, je suis servi. C’est au détour d’une piste et d’un petit port de pêche que nous trouvons nos premières vagues. C’est magique ; l’eau est super claire et semble très propre. Il y a de la vie, sans qu’il y ait néanmoins trop de monde à l’horizon. Nous échangeons avec quelques locaux, des phoques, et des lions de mer.
Pete : J'aime partir dans des endroits magnifiques et reculés. Cette région du Chili a une atmosphère particulière, c'est difficile à décrire. Les couchers de soleil sont incroyables. Ils traversent l'eau et toutes les vagues sont rétroéclairées en vert. Il y a souvent du beau temps, et s'il pleut, ce n'est que pour une journée.
C'est une côte tellement vaste. Il y a toutes ces courbes et ces pointes différentes. Je n'arrête pas de me remémorer mes voyages précédents, où je surfais des points breaks sans personne autour en profitant du beau temps et partageant les vagues avec mes amis. C'est un endroit génial.
Une bonne session se mérite
Ian : Au début, je suis totalement en roue libre. Pete, qui est déjà venu plusieurs fois avec Nate, dirige les opérations et est très méticuleux dans ses décisions. Il essaye vraiment de comprendre les cartes météo et les différentes orientations de spots. On dirait moi qui cherche le meilleur spot entre Carnac et Perros-Guirrec en hiver.
Néanmoins, je me prends rapidement à ce jeu de recherche et d’étude cartographique. De base, j’aime beaucoup crapahuter le long des côtes et découvrir de nouvelles vagues. Mais ici, tout prend une autre dimension. Nous nous perdons dans des forêts et sur des chemins de terre. La côte est encore bien préservée, donc les accès sont parfois difficiles. Clairement, une bonne session se mérite.
Pete : Je suis assez obsessionnel quand il s'agit d’un surf trip. Si je n'ai jamais été à un endroit, je fais beaucoup de recherches à l'avance et j'essaie de tout décortiquer autant que possible. Je suis obsédé par les prédictions de houle et les modèles de vent. Cela fait partie du processus lorsque l'on se rend dans un endroit que l'on ne connaît pas très bien, surtout dans les régions plus éloignées et plus capricieuses où j'ai tendance à aller.
On devient essentiellement un scientifique amateur lorsqu'il s'agit de comprendre tout cela. Et puis, il y a aussi les modèles et les cartes météorologiques, la direction de la houle, la direction du vent... Ici, la marée peut aussi faire une grande différence.
On se doit vraiment d’être au courant de tout, sinon on ne tire pas le meilleur parti du trip. J'aime me plonger dans le vif du sujet et m'assurer que je fais de mon mieux pour être au bon endroit au bon moment. Plus je me prépare, mieux je me porte. Cela fait partie de mon processus ; cet aspect me passionne également.
Les houles qui n’existaient pas
Pete : Le matin, nous quittons la maison dans le noir. Ensuite, nous passons toute la journée sur la route à la recherche de vagues, puis nous surfons, et nous rentrons chez nous à nouveau dans l'obscurité. Nous étions partis pendant probablement 12 heures par jour. Les journées étaient longues mais vraiment chouettes.
Ian : Nous surfons beaucoup, jusqu’à trois sessions par jour en alternant entre nos 6.4mm cagoule le matin, et 5.4.3mm cagoule l’après-midi. L’eau est à 8°C, et la température de l’air varie entre 0°C lors de la première session du matin et 10°C l’après-midi, ce qui est plus que supportable.
Pete : Le Chili est connu comme le pays des gauches et des point break. Il y a toutes ces pointes qui dépassent, et la houle s'enroule normalement autour depuis le sud. Ensuite, elle s'évente dans ces magnifiques baies pour créer ces point break.
Mais comme je l'ai dit, nous étions entre deux houles, donc les conditions étaient différentes. Honnêtement, ces vagues étaient difficiles ! Ces point breaks gauches étaient plus petits, donc nous sommes allés chercher des beach breaks difficiles, assez lourds et avec beaucoup de closeouts. Mais nous avons réussi à trouver des baies vraiment bien, pittoresques et parfaites pour nos shootings. Honnêtement, je craignais juste de casser les planches de Ian sur ces closeouts peu profonds !
Ian : Pete était toujours sans ses planches donc il utilisait les miennes, Made in Europe. C’était assez fou de le voir, lui le « cold water surfer » par excellence, sur mes planches. Quoiqu’il en soit, il a déchiré, et ce malgré le volume supplémentaire auquel il n’est pas habitué. Un swell était attendu vers la fin de nos 10 jours ici ; une houle un peu spéciale qui arrive avec pas mal de vent. Nous espérons pouvoir scorer un spot en particulier…
Pete : Nous avons toujours surveillé les mêmes zones presque tous les jours, et particulièrement le point break de Buchupureo. Le sable était le meilleur que j'ai jamais vu à cet endroit, mais nous n'avons pas eu assez de houle pour que la vague soit comme elle devrait l’être. Nous l'avons néanmoins surfé quelques fois. C'est un spot vraiment magnifique et fun, mais nous n’étions pas là au bon moment vraisemblablement. C'est impossible de savoir à l'avance.
Ian: Le swell est finalement arrivé, mais était finalement un peu moins gros que prévu. Nous nous mettons sous la dent le fameux spot de cette côte où la vague déroule sur des centaines de mètres de banc de sable. C’est assez ahurissant de voir ça de ses propres yeux. J’ai d’ailleurs du mal à y croire ; un endroit bien préservé du fait de son climat froid, mais de qualité de classe mondiale.
Durant les derniers jours, nous apercevons quelques pics tubulaires au détour d’une baie. Nous nous rapprochons, et par chance nous tombons sur un beach break de type landais, avec des tubes droites-gauches et entièrement offshore. Ce n’est pas gros, peut-être 1m20, mais nous sommes seuls et nous n’avons pas besoin de grand-chose d’autre.
L’ambiance au pic est folle. Le vent est super fort offshore, avec une légère bruine et des contrastes dans le ciel. Nous sommes accompagnés de colonies d’otaries et de lions de mer qui surfent la vague avec nous et qui vérifient que nous sommes bien des copains. Ils sont super curieux ! Peut-être que je leur ressemble avec ma combi intégrale cagoule intégrée et ma moustache qui dépasse. Nous nous apprivoisons mutuellement, et ils me laissent scorer quelques bijoux tubulaires. Merci les « brotaries » !
Bacán
Ian : Après les sessions, nous nous retrouvons souvent au café du coin, près d’un feu de bois qui réchauffe nos corps et nos âmes. Ça fait vraiment du bien de découvrir de nouvelles cultures, de rencontrer des gens, de brièvement s’adapter à leur mode de vie, et d’essayer de comprendre les mœurs locales. Je suis ravi d’avoir eu la chance de découvrir ces vagues, ces personnes, et cette culture. Il est certain que je reviendrai dans cette région car j’en suis vraiment tombé sous le charme.
Pete : Honnêtement, ce trip a été très frustrant et difficile pour moi, surtout sur le plan mental. Avec le recul, j'étais super frustré de ne pas pouvoir surfer comme je le voulais. La veille de notre départ, j'ai reçu un appel me disant que mon boardbag était arrivé à l'aéroport de Santiago. Un peu trop tard… Nous l’avons récupéré au retour.
Mais finalement, j’ai pu surfer et c’est ce qui compte. J'étais tout simplement reconnaissant d'avoir pu profiter de quelques planches et surtout de ne pas les avoir cassées. Je me souviendrai de quelques gros fous rires et des bons moments passés avec les gars. Et bien sûr, de beaucoup d’heures sur la route à la recherche de vagues ! Le Chili est un endroit si spécial ; c'était cool d'y retourner.
Par Ian Fontaine & Pete Devries